Publié le 1 mars 1988

01/03/1988 : Philippe Adrien : L’improvisation

par Philippe Adrien

Publié dans Chimères n° 7.

« C’est bien, je fais grand cas du génie et de l’art, usez-en, mais laissez quelque chose au hasard. » (Goethe)

Félix Guattari m’a demandé de traiter de l’improvisation, alors que j’avais envisagé de parler d’un acteur qui récemment jouait une pièce de Witkiewicz que j’ai mise en scène. Mais je comprends que l’improvisation soit un sujet qui paraisse plus attrayant.

On pourrait se demander comment aborder ce thème-là, c’est-à-dire en lisant un exposé ou justement en tâchant d’en parler en improvisant ; soit à peu près la question qui se pose à l’acteur : va-t-il interpréter un texte, ou bien se livrer à une improvisation ? Je serais tenté, pour ma part, d’essayer de parler. Il me semble qu’ainsi j’aurai plus de chances de toucher à l’essentiel de ce qu’est improviser et jouer, improviser ou jouer, ce que c’est : jouer. La formule de Goethe est évidemment parfaite. L’art et le hasard… L’art ne suffit pas. Tout artiste est menacé de sombrer dans l’académisme, s’il n’y prend garde, s’il perd le goût du risque. Mais sans doute, à l’origine de cette pratique, il y a une passion commune : le désir d’explorer, de s’aventurer… L’improvisation, c’est l’appel de l’inconnu. On y court bien sûr le risque du faux pas, de ce qu’on appelle « le trou », mais c’est peut-être là ce qui fascine. Quand on improvise on se déplace au bord d’un gouffre.