« Les premières topiques de Freud étaient, vraiment, tout à fait scientistes, neurophysiologiques ; puis, en cours de route, ces modèles sont devenus quasiment anthropomorphiques ; la deuxième topique – le moi qui se bat avec le ça et le personnage grimaçant du surmoi... – se présente, d’une certaine façon, comme une description que pourrait faire un délirant. Quant aux prolongements kleiniens, et autres, sur la mauvaise mère, l’inconscient y est peuplé de tout un théâtre manichéen, et ça ne marchait pas plus mal ; je crois que ça marchait plutôt mieux...
Le courant des gens « sérieux » – l’école française de psychanalyse – a nettoyé cet aspect anthro- pomorphique, délirant en apparence, et les descriptions de l’inconscient aboutissent dans les mathèmes et la structure. C’est devenu plus sérieux !
Moi, j’aurais plutôt tendance à prendre des plants dans les premiers semis, pour proposer un modèle d’inconscient qui serait celui d’un curandero du Mexique ou d’un bororo, partant de l’idée que les esprits peuplent les choses, les paysages, les groupes ; qu’il y a toutes sortes de devenirs, d’heccéités qui traînent un peu partout, et donc, une sorte de subjectivité objective, si l’on peut dire, qui se trouve ramassée, éclatée, remaniée, au gré des agencements. Le meilleur exposé en serait, évidemment, dans la pensée archaïque. » (...)
Publié le 10 février 1981
10/02/1981 : La pulsion, le trou noir
par
Félix Guattari

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