Intervention faite aux « Troisièmes Journées de Thérapie Familiale Systémique » organisées par le « Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Approche Systémique », Grenoble, juin 1985.
Bonjour. Je propose de travailler avec vous ce matin à partir d’un échange autour d’une famille simulée. Je parlerai du thème général de ces journées : la créativité à partir de celle qui surgira ici… Je vais vous demander non tant d’écouter que de regarder et d’observer ce qui se passe… Ce qui se passe au niveau non verbal est extrêmement important en thérapie familiale. Certaines danses non verbales peuvent avoir pour un thérapeute systémique la même importance qu’un lapsus pour un thérapeute d’inspiration analytique.
Je citerai comme exemple un extrait de bande vidéo d’une thérapie de famille.
Il y avait de gauche à droite, le thérapeute, la fille, la mère, la grand-mère et le père. L’observateur pouvait remarquer un comportement qui se produisait plusieurs fois en une quinzaine de minutes. La mère adoptait une position corporelle apparemment séductrice en regardant le thérapeute puis, brusquement, croisait les bras, baissait la tête et semblait se désintéresser de ce qui se passait. Quand on voyait la bande à nouveau, on remarquait que chaque fois que la mère adoptait la position apparemment séductrice, la fille et la grand-mère croisaient les jambes devant elle et ce n’est qu’alors que la mère croisait les bras et baissait la tête. Lors d’un nouvel examen, il apparaissait qu’entre le moment où la mère se montrait comme séductrice et le moment où la fille et la grand-mère croisaient les jambes, le thérapeute avait rajusté son nœud de cravate. Puis on découvrait que le père bougeait le pied entre le moment ou son épouse regardait le thérapeute et le moment où celui-ci était aux prises avec son nœud de cravate.
On avait ainsi la séquence suivante : la mère regarde le thérapeute en manifestant un comportement apparemment séducteur, le mari bouge le pied, le thérapeute touche sa cravate, la fille et la grand-mère croisent leurs jambes devant la mère. Celle-ci croise les bras et d’un air apparemment renfrogné baisse la tête. Il est bien sûr possible de partir d’une autre ponctuation. Mais ce qui est intéressant, ce sont les aspects redondants d’une séquence qui apparaît régulièrement. Nous avons donné une énorme importance au langage sans insister suffisamment sur les ballets dans lesquels nous sommes pris. Essayons de voir la danse que nous allons exécuter la famille et moi.
(...)
Quelqu’un annonce que la famille simulée est prête. Mony Elkaïm reçoit alors sur l’estrade les différents membres de la famille en leur serrant la main à tour de rôle. La disposition adoptée est la suivante : assis sur des chaises un homme et une femme, un assez grand espace puis trois femmes assises également. Le thérapeute s’installe en face, à égale distance des différentes personnes. A peine la famille est-elle assise que Mony se relève et demande à l’audience : « Que voyez-vous ? ».
Un participant : « Il y a deux camps ».