Élodie « — Voilà, je voudrais te parler de mon bébé. Je t’avais dit d’abord qu’il fallait que je le mette dans une prison de noirs musulmans. (…) Mon enfant, je l’ai eu parce que j’avais mangé des pommes de terre pour couper les testicules aux Allemands. Moi, ça me faisait jouir par mon vagin, et ne je tuais pas d’Allemands mais ça m’a gonflé le ventre. Bon ! Maintenant j’ai accouché parce que mon bébé m’a dit de le circoncire… comme ma croix. Alors quand j’ai été à la selle… l’urine…
— Et alors, qu’est-ce qui s’est passé ?
É — Le bébé est sorti de mes règles et a toujours communiqué avec mon ventre.
— Il est toujours dans le ventre ?
É — Non, plus maintenant.
— Où est-ce qu’il serait passé ?
É — Je ne sais pas. Je ne comprends pas, c’est une autre manière d’accoucher que je ne comprends pas.
— Il communique avec toi en parlant ?
É — Oui, dans mon ventre.
— Et il parle quelle langue ?
É — Le français.
— Et il y a des moments dans la journée où il te parle surtout, non ?
É — Non, il me parle tout le temps.
— Au travail, à la maison, partout ?
É — Un peu comme toi. J’entends ta voix.
(...)
Dans l’apparent désordre de son monde, Élodie semble vouloir bâtir une forme. Le corps, à l’ombilic de son délire, attrape des parties, des morceaux, des débris, des organes, et les agence en un monstre bizarre. C’est à ce travail que je suis convié, parce que déjà pris dans les matériaux de sa construction, happé dans ses machines, exploité. Il me faut donc des traits, des figures, des traces, des limites, quelques outils. En pays de psychose, je ne suis pas interprète, mais explorateur et cartographe.