Déjà la première chose qu’on peut dire, et ce n’est pas une grande découverte, c’est que l’existence ce n’est pas scientifique. L’existence, ce n’est pas quelque chose qui se produit par la science, ce n’est pas quelque chose qui s’analyse par la science. L’existence peut être repérée, cartographiée et peut-être implique-t-elle fondamentalement pour sa promotion, pour son repérage et pour sa production quelque chose qui est foncièrement antagoniste au traitement discursif qui relève des procédures objectivistes. C’est ce que j’appelle une dimension de cartographie existentielle.
Seulement tout de suite là il va falloir faire très attention, c’est que, à la différence de ce qui se passe généralement où la carte est distincte du territoire, là la carte est identique au territoire, la carte est production de territoire existentiel, et le territoire existentiel peut s’effondrer, peut disparaître dès lors que la cartographie s’évanouit. Ça je pense que ce sont des énoncés qui ne sont pas très compliqués, qui sont parfaitement acceptables, en ce sens que vous changez de cartographie en vous endormant ou en étant dans un état crépusculaire et vous n’êtes plus du tout dans le même type de constitution d’un monde et constitution d’une subjectivité. Ces cartographies peuvent être idiosyncrasiques, c’est-à-dire constituer des petits territoires subjectifs, l’exemple des moutons ou l’exemple des territoires subjectifs que se constituent les psychotiques ou les névrosés, d’ailleurs ce sont des cartographies qui ne servent que pour une personne, ou à la limite qui peuvent servir pour un couple, un couple paranoïaque, ou des petits territoires familiaux ou des petits groupes opprimés, mais il peut y avoir aussi des cartographies à grande échelle qui servent à donner une identité subjective à des grands groupes sociaux, des ethnies, des nations, et même une cartographie de l’humanité prise comme catégorie universelle.
Publié le 22 janvier 1985
22/01/1985 : Félix Guattari : Singularité et complexité
par
Félix Guattari

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