La dernière fois, j’avais distingué, sans les opposer, une subjectivité communicationnelle où il y a un locuteur, un allocutaire qui sont discernabilisés, où il y a une fonction énonciatrice et destinatrice et qu’on pourrait ainsi redoubler par une fonction parleur-auditeur. Cela voudrait dire en l’occurrence que, en prenant le type de description que je propose, on pourrait considérer que la relation parleur-auditeur correspondrait à un certain niveau de matière non sémiotiquement formée, pour reprendre les catégories de Hemslev, à partir de laquelle se déterminera une substance d’énonciation. Tout le problème de ce que je vais faire aujourd’hui, c’est de substituer – et de voir ce qu’il en advient dans le système de Hemslev. Au fond c’est cela que je voulais tester.
Là on aurait déjà, au niveau des substances d’énonciations les relations locuteur-allocutaire et au niveau de la forme d’expression la relation énonciateur destinataire. Parleur-auditeur serait le fait que quelqu’un peut parler sans être du tout locuteur-allocutaire. Vous pouvez articuler en étant dans le coma, complètement saoul ou complètement drogué, glossolalogue, c’est la limite entre locuteur-allocutaire, il y a une fonction pragmatique locuteur-allocutaire mais en fait ce sont des parleurs et des auditeurs. Je t’écoute, mais… On pourrait introduire cette distinction avec constitution substantielle locuteur-allocutaire par effectivement je-te-parle et il y a un rapport constitué de performance de parole.
Tandis que la fonction énonciateur-destinataire, c’est quelque chose qui ne correspond pas nécessairement à cette répartition locuteur-allocutaire, c’est-à-dire que le sujet d’énonciation peut passer au niveau de l’allocutaire, il peut passer au niveau d’un tiers, il y a tout un niveau déterritorialisé du rapport. On peut être le porte-parole de quelqu’un, celui qui parle ne coïncide pas forcément avec celui qui articule. Cela c’est ce que j’appelle la subjectivité communicationnelle où il y a donc discernabilisation ou logique ensembliste des rapports de subjectivité. Il y a des pôles subjectifs suivant les modalités que je rappelle. Cela implique toujours qu’il y a un canal, un message, un code commun et avec cette remarque que je n’ai pas du tout exploitée mais que je laisse là au passage, parce qu’à mon avis peut-être elle mériterait qu’on y regarde de plus près : cette axiomatique de la subjectivité communicationnelle implique que tout ce qui n’est pas de l’ordre de la rareté renvoie au sens commun, c’est-à-dire que le contexte est une sorte de débarras du sens commun.
Et cela sera une situation radicalement différente pour l’autre pôle de la subjectivité : la subjectivité d’agencement collectif d’énonciation, là où on n’a pas ce type de logique-objet, on n’a pas de logique sujet-objet, on n’a pas les répartitions locuteur-allocutaire, énonciateur-destinataire, parleur-auditeur, on n’a pas cette organisation là, mais on a des agencements qui vont articuler des functifs dans des rapports de solidarité, lesquels functifs eux auront différents types d’organisation substantielle. C’est-à-dire que dans la subjectivité communicationnelle, l’organisation matière-substance-forme s’instaure à partir de la bi-polarité ou disons de l’individuation, du caractère personnologique des agents de l’énonciation, de la parole, tandis qu’on n’a plus cette bi-polarité dans l’autre type de logique que j’appelle la logique des corps sans organe en opposition à la logique ensembliste.