Félix Guattari : Ecologie mentale La passion des machines (octobre-novembre 1991, Terminal N° 55)

par Félix Guattari

Terminal : D’où vient ton intérêt pour les machines ?

Félix Guattari : C’est une passion d’enfance et de toujours, une passion animiste. En effet, la description des phénomènes biologiques, sociaux, économiques etc… en termes de structures me paraît insuffisante. Au-delà même des conceptions systémiques, j’ai voulu forger une entité conceptuelle qui réponde non seulement aux rapports d’autorégulation de la structure du système, mais rende compte aussi de ceux qu’il développe avec l’extérieur. Car la machine est toujours en dialogue avec
une altérité : dans son environnement technologique, humain, mais également par ses liens philogénétiques avec les machines l’ayant précédée et celles à venir. Apparaît là une nouvelle forme d’altérité : celle située dans le temps. En plus de l’altérité, la machine établit aussi la finitude : elle naît, se détraque, se casse, meurt. Pour
cette raison, on avait élargi le concept de machine, au-delà des machines techniques, aux machines biologiques, sociales, urbaines, aux mégamachines, linguistiques, théoriques et même aux machines désirantes. Ce concept envisage donc la possibilité pour la machine de s’abolir elle-même.