Il y a encore une vingtaine d’années, une grande partie de l’opinion, à l’instar de la gauche socialiste et communiste, professait une extrême méfiance à l’égard des entreprises caritatives qui n’apportaient, selon elle, que des réponses partielles, voire insignifiantes, aux maux sociaux, assorties fréquemment de prosélytisme religieux, et masquant, en fin de compte, les vraies causes de la misère. La priorité militante était alors à la lutte contre le "système", le reste n’étant que diversion.
Le dernier livre de Xavier Emmanuelli (Les Prédateurs de l’action humanitaire, Albin Michel, 1991) nous permet de mesurer le chemin parcouru depuis cette époque. De grandes institutions, comme Médecins sans frontières, intervenant à chaud dans des situations de désastre consécutifs à des guerres civiles ou à des cataclysmes naturels, sont devenues désormais des "attracteurs" de l’imaginaire social et, comme tels, objets de convoitise politique et médiatique.
Ainsi, une part importante de ce livre est-elle consacrée à une virulente dénonciation des "prédateurs de l’action humanitaire", et Bernard Kouchner (qui n’est jamais désigné qu’à travers son titre de secrétaire d’Etat à l’action humanitaire) se trouve ici particulièrement visé (...).
