Terminal : Ernst Haeckel définissait l’écologie comme « la science des rapports des organismes avec le monde extérieur et de leurs conditions d’existence ». Qu’appelles tu l’écosophie ?
Félix Guattari : Le terme d’écologie est éclectique. Il englobe des réalités très hétérogènes, ce qui fait d’ailleurs sa richesse. D’abord, c’est une science, la science des écosystèmes de toute nature. Elle n’a pas des contours bien délimités car elle prend en compte aussi bien des écosystèmes sociaux, urbains, familiaux que ceux de la biosphère. À côté de ça, l’écologie est devenue un phénomène d’opinion, recouvrant des sensibilités très diverses : de celles conservatrices, voire réactionnaires, prônant un retour à des valeurs ancestrales, à celles qui tentent la recomposition d’une polarité progressiste se substituant à l’ancienne polarité droite-gauche. J’ai tenté une jonction conceptuelle entre toutes ces dimensions. Est ainsi née l’idée d’écosophie articulant les trois écologies : environnementale, sociale et mentale. De plus, dans mon propre système de modélisation, j’essaye d’avancer la notion d’un objet écosophique qui irait plus loin que l’objet écosystèmique. Je conçois l’objet écosophique comme articulé selon quatre dimensions : celles de flux, de machine, de valeur et de territoire existentiel.