Publié le 1 juillet 1973

Intervention de Félix Guattari au séminaire d’été de la Columbia University, organisé par Sylvère Lotringer (Paris, juillet 1973)

par Félix Guattari

L’IDÉE D’UNE micropolitique du désir apparaît avec la troisième coupure que j’ai appelée capitalistique. Cette micropolitique renvoie à deux options : l’une accepte comme donnée l’évidence de la signification, disons le réalisme de la signification, l’autre, au contraire, considère qu’il y a une politique à mener pour changer les coordonnées de ce type d’évidence, pour transformer la réalité dominante. On a donc deux types de politique. La première – qui ne s’appelle pas politique mais science, anthropologie, psychanalyse – considère comme intangible la dépendance de toute sémiotique à un système de signification. Et puis il y a l’hypothèse d’une autre politique, d’une micropolitique qui remettrait en question, contesterait les bases de cette réalité, les coordonnées de cette quotidienneté. Evidemment, quand j’emploie le terme « politique », ce n’est pas du tout dans le sens des élections présidentielles. La politique, une politique révolutionnaire qui trancherait avec les politiques idéologiques, implique le passage à d’autres objets. L’enjeu n’est pas seulement de contester le statut de la recherche psychanalytique, anthropologique, linguistique, mais d’amener l’idée qu’on ne peut pas prétendre changer quoi que ce soit dans la société, modifier durablement les modes de vie, les rapports de production, si on méconnaît le fait que les gens sont prisonniers du monde de la signification, de la façon dont une société organise ses significations, préorganise son monde de signification. (...)

Traduit librement à partir d’un enregistrement.