Publié le 1 janvier 1976

Préface de Félix Guattari au livre de Christian Hennion, Chronique des flagrants délits (Stock, 1976)

par Félix Guattari

Christian Hennion ne se présente pas comme un redresseur de torts. Il ne juge pas. Il ne prend pas les juges comme bouc émissaire. Il sait parfaitement qu’on ne peut tenir pour seul responsable l’appareil de justice d’un système de ségrégation qui présuppose le consentement, à des degrés divers, de chacun d’entre nous. Il a voulu simplement faire la lumière sur une scène particulière, celle des tribunaux dits de "flagrants délits" qui, jusqu’à présent, était restée à l’abri des regards, du fait d’une sorte de comportement collectif d’évitement. D’une façon générale, on n’aime pas trop savoir ce qui se passe dans les coulisses de la justice, dans les commissariats de police, les dépôts, les prisons ou bien dans les asiles, les maisons de vieux etc. Pour pouvoir marcher la tête haute et la conscience tranquille, le citoyen-civilisé-blanc-bien-conformé-sain-d’esprit préfère ne pas trop regarder, sur le bas-côté de la route, les règlements de compte microsociaux et la multitude d’illégalismes qui se perpétuent au nom de la loi, au nom de l’éducation et de la rééducation, au nom de l’assistance, de la santé, etc. Aussi une intervention dans ce domaine, pour être efficace, se doit-elle d’aller bien au-delà d’une simple information journalistique ! Et le mérite de Christian Hennion c’est précisément d’être parvenu à faire évoluer une partie non négligeable de l’opinion de gauche et un certain nombre de juges, à contre-courant de préjugés répressifs savamment entretenus par la grande presse. Que les problèmes posés par les tribunaux de "flagrants délits" ne concernent qu’un secteur marginal de la population ne doit pas nous faire perdre de vue l’importance des enjeux sociaux et des mutations de sensibilité dont ils constituent une sorte de plaque sensible. Avec ce livre, une nouvelle minorité qui, jusqu’alors, s’était vu refuser toute prise de parole publique, se donne un premier moyen de jonction avec l’ensemble des autres luttes minoritaires qui sont en passe de devenir aujourd’hui les lieux de reconstitution d’un véritable mouvement révolutionnaire. (...)

L’intégralité de la préface est mise en ligne par Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48043801/f15.item, p. 11 à 18.