Publié le 1 janvier 1983

Préface de Félix Guattari au livre de Barbara Glowczewski et alii, La cité des cataphyles - Mission anthropologique dans les souterrains de Paris (Librairie des Méridiens, 1983)

par Jean-François Matteudi , Félix Guattari , Barbara Glowczewski , Violaine Carrère-Leconte , Marc Viré

Les villes anciennes ont perdu leur âme ; les groupes immobiliers et les technocrates de l’urbanisme sont venus à bout de leur puissance d’envoûtement, de la poésie qui suintait de leurs murs ; même les rénovations les mieux intentionnées n’ont abouti qu’à des sinistres momifications. Mais, tel Osiris, elle tend à être reconstituée en permanence par l’imaginaire collectif. ce phénomène n’est d’ailleurs pas nouveau ; déjà les cités grecques et la Rome antique connaissaient la nostalgie des villes mystères de l’Egypte ancienne. A notre époque, c’est principalement au roman populaire, à la bande-dessinée et à l’industrie cinématographique que semble impartie la confection de références pseudo-historiques, d’ersatz de mythes fondateurs. Les auteurs de la Cité des cataphiles nous font découvrir une autre forme, exacerbée d’une telle recomposition fantasmatique. Ils ont étudié en ethnologues, en sociologues, en historiens, les diverses "sectes" d’amateurs des catacombes parisiennes, qui se qualifient eux-mêmes de "cataphiles" et qui mènent une vie symbiotique hasardeuse avec le corps de fonctionnaires attaché à la surveillance des anciennes carrières qui sillonnent le sous-sol de la capitale sur des dizaines de kilomètres. (...)

"La ville d’ombre" par Félix Guattari, p. 7-16 ; repris dans Les Années d’hiver, 1980-1985, Paris, Les Prairies ordinaires, coll. Essais, 2009, p. 247-250.